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ana bordenave

Alors qu’Alice tombe au plus profond d’elle-même au Pays des merveilles, la narration se fait métaphore des transformations physiques et psychiques de l’enfance. C’est à travers les images les plus fantasmagoriques que s’exprime toute la complexité du réel. C’est ainsi que peut se lire le travail de Laura Bottereau & Marine Fiquet, comme une longue plongée continuellement réinterrogée dans le monde du Lapin blanc, à la frontière entre appréhension et attirance, anxiété et plaisir scopique.

Bottereau & Fiquet est un duo d’artistes françaises travaillant à Nantes, en pleine émergence, dont les œuvres offrent un théâtre de l’étrange. Ainsi, les ex-voto à la cire blanche de l’œuvre Spleen Spring s’affichent avec leurs grandes dents ou leurs poils de moustache, et inspirent un sourire. Ce sont de petits morceaux de corps et de peaux découpés que présente l’œuvre, soigneusement accrochés comme un mur de trophées, mais à travers le rire, le public valide et s’associe à ces découpes morbides. Dans Les vieux démons, les jeux d’enfants se transforment en une parodie assumée où les visages sont des masques, les mains et les pieds des accessoires fétichistes, et où la figure centrale des jumelles impose le thème du simulacre. Morceaux de corps et morceaux d’actions se retrouvent constamment dans les installations, sculptures ou photographies des artistes, flirtant avec le grotesque. L’enfance – thématique principale des artistes – apparaît alors comme bloquée avant le stade du miroir, ou dans un état utopique, là où le corps n’est pas compris comme une unité indépendante et localisée, mais uniquement perçu à travers sa mise en relation avec les sujets et objets qui l’entourent.

Rien d’innocent cependant de la part des artistes, dont le discours conceptuel et référencé leur permet de s’inscrire dans une culture visuelle multiple, ménageant des ouvertures interprétatives fécondes. Dans leurs mises en scène, les références au fétiche et à l’ex-voto offrent aux objets une certaine magie, une puissance autre. Dans les photographies, une impression de nature morte détache l’évocation corporelle de sa réalité pour en faire un lieu de projection métaphorique. Dans certaines installations, la photographie conceptuelle ne semble pas bien loin, associant textes et images à la construction du récit individuel. Dans Soliloques, le dispositif rappelle ainsi celui de Sophie Calle, teinté d’un supplément de fantaisie.

Le duo présente les corps « comme archives politiques » : est-ce une manière d’évoquer la mémoire et l’inscription physique des événements psychologiques ? Mais sans doute existe-t-il autant d’interprétations qu’il existe de récits d’enfants.

 

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