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Léa Cotart-Blanco

LE RÈGNE DE L’ENFANT-COI

Par le biais de dessins, de sculptures et d’installations, Laura Bottereau & Marine Fiquet amènent une réflexion autour de nos normes sociétales. L’enfance et l’onirisme, leurs principales thématiques, ne sont pas traitées comme un temps de latence angélique mais plutôt comme catalyseurs de nos codes. L’innocence de cet âge prétendument tendre renvoie alors à une spontanéité du geste, celui-ci devient imprévisible et bien souvent cruel. Ces figures enfantines ne s’embarrassent pas avec une prétendue bonne conduite : elles n’ont que faire de notre regard qui est pour autant constamment happé. Jouant subtilement avec le point de vue du public et l’impossibilité pour celui-ci d’interagir avec leurs représentations, ce duo d’artistes masque pour mieux montrer. En équilibre constant sur le fil du rasoir, leurs œuvres entraînent le public dans un rite d’initiation aux hypothèses ouvertes.

Le titre de votre exposition est tout aussi énigmatique que poétique, L’aube des rigueurs molles, d’où provient-il ?

Nous avions écrit un texte poétique à quatre mains au moment où nous réalisions Abcéder; un ensemble de dessins issus d’exercices de grammaire des années 1970. Ces exercices proposent des segments de phrases aux contenus relativement lugubres et peu réjouissants pour des enfants. Partant de ce principe, nous étions venues recréer un texte à la manière de ces exercices, l’idée était de rédiger un pastiche poétique de ces derniers. Nous n’avions finalement jamais utilisé ce texte pour l’ensemble Abcéder, mais il nous est resté en tête. L’aube des rigueurs molles en est un extrait. Nous l’avons choisi comme titre de l’exposition car il propose un jeu de lectures multiples que nous opérons souvent dans notre travail : les rigueurs rappellent l’exercice de grammaire avec l’exigence de l’apprentissage, les mollesses, qui en constituent l’antithèse, sont notamment présentes dans l’installation Douces indolences. L’aube évoque tant l’enfance – centrale dans notre travail – que le paysage, qui apparaît à travers le lever de soleil de l’installation Les tombeaux innocents.
Nous aimerions donner encore plus de place au texte dans notre travail, nous essayons actuellement de nouvelles formes pour l’intégrer. L’édition serait une possibilité.

Votre travail comporte toujours ce flou de l’autrice de chaque forme ou trait. Cette confusion semble être mêlée à la notion de jeu. Est-ce que ce fonctionnement est une corollaire à votre duo artistique ou a-t-il toujours été présent dans vos pratiques respectives ?

Le jeu est effectivement lié à notre pratique de duo, il intervient dans nos échanges et lorsque nous nous mettons d’accord sur un projet ; les jeux de duel et d’affrontement sont constants, plus particulièrement dans notre pratique du dessin. Toutefois, il n’était pas une thématique au sein de nos pratiques individuelles.
Nos premiers protocoles de dessins reposent sur des principes de jeux, mais surtout de règles, comme celles du cadavre exquis ou du jeu de dames. Ils permettent d’établir des principes d’actions à partir d’outils et d’acquérir ainsi une plus grande liberté. Nous trouvions paradoxalement davantage de possibilités dans la contrainte. Nous avons finalement mis du temps à dessiner ensemble sans avoir de protocole pré-établi.

Nous nous permettons de gommer le trait de l’une, de reprendre le dessin de l’autre jusqu’à parvenir à un accord. Bien sûr, chacune maîtrise des parties distinctes. Nous débutons toujours par une esquisse avant le trait final. En fin de compte, Laura aura peut-être réalisé un contour que j’avais initialement inscrit ou inversement. Nous ne sommes pas du tout dans la volonté de dissocier nos traits. Il en va de même pour la mise en volume.
Vous moulez vos propres mains et visages pour la réalisation de vos pièces, est-ce par praticité où existe-t-il une volonté d’identification entre vous et vos créations ?

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