Laura Bottereau & Marine Fiquet agencent des scènes mentales aussi séduisantes que répulsives. Leurs protagonistes sont des pulsions ambivalentes, tendres et cruelles, prenant la forme de corps hétérogènes et fragmentés, aux proportions dissonantes et appareillés de dentiers, de masques et de perruques. À travers des dessins, des installations et des photographies, ces personnages aux membres disjoints se livrent à des scénarios où la douceur se conjugue au morbide, la violence à la sexualité, l’amusement aux sévices.

Le duo s’est ainsi fait connaître en représentant une vie libidinale ambiguë, au sadisme et au masochisme à la fois désinhibés et voilés de ludisme. Corde à sauter, partie de dames, cheval bâton, fléchettes, manège, cabane, ensevelissement sous le sable : autant de distractions enfantines, a priori chastes et inoffensives, transformées en dispositifs de tortures et de délices. Des jeux à tendance perverse dont les personnages sont des mannequins composés d’agrégats de prothèses – mains, nez, langues en silicone, en résine, en cire ou en plâtre –, comme si chacune de leurs parties était l’objet d’une fétichisation et d’une activité sexuelle autonome. Ce qui s’affirme ici est une plasticité libidinale, sinon une « perversion polymorphe », à même d’investir différents objets au fil des rencontres avec les chaînes signifiantes et imaginaires socialement instituées.

Dernièrement, Bottereau & Fiquet s’est quelque peu détourné des montages de nature sexuelle pour s’attacher à des complexions physico-psychiques plus amples, comprises comme manières de lier entre elles des images, des idées et des affections. C’est le cas de Soliloques, soit quarante boîtes en carton conçues comme des portraits d’ami.es fictifs.ves. Chacune de ces boîtes porte une étiquette indiquant le prénom de l’ami.e en question – Pulpe, Clapotis, Grateful… – et rejoue les codes de l’archive : des objets, des vêtements et des fragments de corps synthétiques y sont rangés, pliés, dérangés ou avachis. Accompagnés d’un texte éponyme composant la trame d’un rôle, ces artefacts sont les indices de subjectivités mutantes offertes à nos propres projections mentales.

La série de photographies nommée Transi.e.s participe d’une logique similaire. Des mannequins d’entraînement aux premiers secours et des torses clastiques (issus du Musée de l’écorché d’anatomie du Neubourg, en Normandie) sont agencés de sorte à évoquer des étreintes. Empruntant aux caractéristiques de l’enfant et de l’adulte, aux codes du gisant autant que du vivant, ces fragments de corps font coexister des états à la fois passés et présents au sein d’un même individu – habité par différentes configurations physiques et psychiques, traversées au fil des âges, tels des spectres ou des mues susceptibles de reprendre vie.

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