aux corneilles

Sculpture, résine, textiles, cuir, métal, plâtre, perruque, peau de visage, balle rebondissante, branche de pommier, latex de caoutchouc, dimensions variables, 2018.
Coproduction Maison des arts – Centre d’art contemporain de Malakoff.

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Mettre hors d’haleine, à bout de souffle, l’effort vain proposé par l’installation semble relever davantage de la torture que de l’amusement. Baskets, short de sport, balle, ballon, ceinture et bâton, deviennent à la fois costumes, décors et accessoires d’une nouvelle discipline. Condamnée à convoiter un ballon de baudruche étoilé, la figure enfantine, privée d’air, transforme les objets de jeu en dispositif punitif.

En guise de masque, la sculpture arbore une « peau de visage », support d’entraînement aux premiers secours. Cet objet d’apprentissage du bouche-à-bouche porte intrinsèquement l’image du souffle et devient simulacre d’un corps inanimé. La contrainte ici mise en scène relève tout autant du simulacre : la présence enfantine, les mains libres, pourrait se défaire de ses liens et recracher sa balle. L’entrave consentie semble alors transformer la figure enfantine en masochiste inventive.
Le titre Aux corneilles, reprend l’expression « bayer aux corneilles » : rêvasser, perdre son temps à regarder en l’air niaisement, la bouche ouverte. Ici, l’ouverture buccale est ironiquement conditionnée par une balle rebondissante, un objet étoilé devenue bâillon. L’utilisation à contre-emploi de la peau de visage, dans laquelle il est maintenant impossible de souffler, présente une figure enfantine animalisée, entre l’âne courant après sa carotte, le chien après sa balle, un visage de plastique rappelant les traits d’un singe. L’ambivalence se poursuit dans le choix de la branche, le pommier coudé affublé d’un ballon évoque tout autant le jeu que la potence.

Figure polymorphe, jouant à l’épuisement et portant sa branche comme fardeau : l’installation renvoie l’enfance à ses tiraillements.
Tenter de recracher les choses amères et odieuses qui s’étoilent au dedans. Avoir oublié le geste simple qui désamorce le ciel alourdissant qui vous tombe dessus. Entre espace corporel dressé, étouffé, réduit au silence, entre jeux dangereux et tyrannie volontaire, Aux corneilles évoque une image présente dans La bâtarde de Violette Leduc, celle d’« une enfance tordue comme un vieux pommier ».

Vues de l’exposition personnelle J’ai léché l’entour de vos yeux, Maison des arts – Centre d’art contemporain de Malakoff, 2018
Photographies : Laura Bottereau & Marine Fiquet
Texte : Laura Bottereau & Marine Fiquet

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