martyr(e)s
Installation, éléments de taxidermie, bois, textiles, plâtre, métaux, corde, plumes, dimensions variables, 2014.
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![Vue d'ensemble de l'installation intitulée "Martyr(e)s". Trois personnages à échelle d'enfant se font face dans une disposition triangulaire. De gauche à droite : une représentation enfantine chevauche un cheval bâton, le jeu pour enfant est détourné, une tête de biche empaillée se trouve au bout du bâton. Le personnage porte une robe rayé, des chaussures jaunes, et une cagoule en toile du jute percée de deux trous pour les yeux. Au milieu de la mise en scène se trouve un personnage assis sur une niche. Un chien schématique, se trouve à proximité de la niche. Il s'agit d'un gabarit de taxidermie en mousse. Le personnage assis à califourchon sur la niche tient une fléchette dans sa main. Sa position indique qu'il pourrait lancer la fléchette. En face de lui se trouve un troisième personnage a échelle d'enfant, sa tête est remplacée par un tronc, le tronc est criblé de fléchette. La scène est immobile, les figure enfantines sont des mannequins dotés mains d'adultes en plâtre blanc.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-martyres.jpg)
![Focus sur l'installation Martyr(e)s. Un personnage à échelle d'enfant se tient debout, droit, les mains dans les poches. La tête du personnage est remplacée par une buche de bouleau, criblée de fléchettes. La figure enfantine à la tête de tronc est habillé : manteau à motifs, pantalon noir, chaussures à carreaux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-sebastien.jpg)
![Fragment de l'installation intitulée "Martyr(e)s". Focus sur le personnage à tête de tronc criblé de fléchettes. Les fléchettes sont sculptées à la main, les ailerons sont fait de plumes d'oiseaux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-cribler.jpg)
![Fragment de l'installation intitulée "Martyr(e)s". Focus sur le personnage à tête de tronc criblé de fléchettes. Les fléchettes sont sculptées à la main, les ailerons sont fait de plumes d'oiseaux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-arbre-1.jpg)
![Focus sur l'installation Martyr(e)s. Un personnage a échelle d'enfant est assis sur une niche. Un chien schématique se trouve à proximité de la niche. Il s'agit d'un gabarit de taxidermie en mousse. Le personnage assis à califourchon sur la niche tient une fléchette dans sa main. Sa position indique qu'il pourrait lancer la fléchette. Il porte un sac en kraft sur la tête, avec deux trous pour les yeux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-niche.jpg)
![Fragment de l'installation intitulée "Martyr(e)s". Focus sur la main du personnage qui lance des fléchettes. La main qui tient la fléchette est issue d'un moulage en plâtre réalisé à partir des corps des artistes. La fléchette, tenue entre le pouce et l'index est sculptée à la main, ses ailerons sont fait de plumes d'oiseaux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-viser.jpg)
![Focus sur l'installation Martyr(e)s. Une représentation enfantine chevauche un cheval bâton, le jeu pour enfant est détourné, une tête de biche empaillée se trouve au bout du bâton. Le personnage porte une robe rayé, des chaussures jaunes, et une cagoule en toile du jute percée de deux trous pour les yeux.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-bourreau.jpg)
![Vue d'ensemble de l'installation Martyr(e)s. Trois personnages à échelle d'enfant se font face dans une disposition triangulaire. De gauche à droite : une représentation enfantine chevauche un cheval bâton, le jeu pour enfant est détourné, une tête de biche empaillée se trouve au bout du bâton. Le personnage porte une robe rayé, des chaussures jaunes, et une cagoule en toile du jute percée de deux trous pour les yeux. Au milieu de la mise en scène se trouve un personnage assis sur une niche. Un chien schématique, se trouve à proximité de la niche. Il s'agit d'un gabarit de taxidermie en mousse. Le personnage assis à califourchon sur la niche tient une fléchette dans sa main. Sa position indique qu'il pourrait lancer la fléchette. En face de lui se trouve un troisième personnage a échelle d'enfant, sa tête est remplacée par un tronc, le tronc est criblé de fléchette. La scène est immobile, les figure enfantines sont des mannequins dotés mains d'adultes en plâtre blanc. L'installation est présentée dans les nefs de l'abbaye du Ronceray, à Angers.](https://bottereau-fiquet.com/wp-content/uploads/bottereau-fiquet-martyr.jpg)
« L’installation Martyr(e)s met en scène trois personnages à taille d’enfants : deux figurent comme des bourreaux (les visages couverts, ils sont en situation de domination), le troisième comme la victime (la veste ouverte, il accueille les blessures), transpercé de flèches à la manière d’un Saint-Sébastien. La scène joue de l’ambiguïté entre une cour de récréation, un tribunal improvisé et une partie de chasse. Le dispositif exprime en effet la violence désinhibée de l’enfance, ici les mécanismes de bouc-émissaire, jusqu’au lynchage collectif, par lequel un groupe s’autorégule et assure sa cohésion.
Cette image d’un processus proto-social, à l’origine de la société, rappelle par la même occasion leur travail à l’histoire du théâtre, dont les premières formes helléniques émergeaient du sacrifice d’un bouc (tragos, à l’origine du mot tragédie). Le titre est porteur d’une ambiguïté qui dédouble l’expérience de lecture que l’on peut en faire. Le ‘‘e’’ entre parenthèses sert en effet de point de bascule entre deux perspectives opposées : le regardeur peut se placer du côté du martyr (sans ‘‘e’’), il est alors face à une victime pour laquelle il peut nourrir empathie ou compassion, ou considérer le martyre (avec un ‘‘e’’), la scène en entier, d’une façon plus détachée, d’un oeil observateur qui en appelle à une pulsion scopique (à notre tendance à se satisfaire d’images effroyables, de cadavres, d’accidents etc.).
La référence au martyr assume une position iconoclaste quant à la tradition hagiographique. Il s’agit en premier lieu de poser la cruauté originelle de l’homme en regard de celle de certains épisodes du récit biblique, et d’en souligner les paradoxes. La souffrance endurée au nom de la foi apparaît ici comme salvatrice et glorieuse, quand elle semble pudiquement condamnée dans les cours de récréation et les espaces publics. La violence n’est ni feinte, ni dissimulée, elle est la valeur de transfert par laquelle opposer pulsions infantiles et sublimation chrétienne.
Martyr(e)s rappelle ainsi à la cruauté des épisodes bibliques et à son absurde autojustification : l’agonie des saints leur assurant la reconnaissance divine, à l’instar de saint Apolline, à qui l’on arracha les dents une à une, ou de sainte Dymphna, décapitée par son père qui voulait l’épouser. Le choix du saint Sébastien renvoie également à son statut d’icône homoérotique. Conformément à sa signification chez des écrivains plus ou moins subversifs (Tennessee Williams, Garcia Lorca, Mishima, Wilde, Proust…), son évocation contribue ici à réhabiliter la figure de l’homosexuel dans l’histoire des imaginaires collectifs.(…) »
Photographies : Laura Bottereau & Marine Fiquet
Texte : Florian Gaité, (extrait) Jeux interdits, Revue Terrain Vague #3, mars 2017